Êtes-vous capable d'écouter une chaîne haute fidélité ?


 

HISTOIRE VRAIE, en préambule.

 

Un beau matin, Monsieur Jessaitou se lève vers 5 heures dans le fond de sa banlieue parisienne pour profiter des services de Monsieur Air France qui, inopinément, ne faisait pas grève ce jour là.

A l’issue d’un vol sans histoire agrémenté de quelques flexions / extensions du tympan à la montée et à la descente, Monsieur Jessaitou fait quelques kilomètres en diesel pour enfin pénétrer pour la première fois de sa vie dans mon auditorium.

Au fond de la pièce trône une paire de caissons Onken équipée de 604 E (HP concentrique ALTEC).

Sur une table, en vrac, des tas d’amplis, dont un à tube, et sur une autre deux ou trois lecteurs de CD ou DVD audio (eh oui, y a des disques audio DVD en 24 bits et 96 kHz…).

Des trucs sont en marche. Monsieur Jessaitou fait quelques pas, écoute longuement et attentivement au moins 2 ou 3 secondes, en ayant soin de rester loin de la zone d’écoute optimale (les Altec 604 sont hyper directifs !) et là, magistral, assène plusieurs vérités définitives sur le système : trop de ceci, pas assez de cela, aigus machins, graves choses (et ne parlons pas du médium) etc.

Après son départ, j’ai préféré incendier la maison…parfois il faut savoir repartir à zéro dans la vie ! !

 

Je vois souvent dans des auditoriums des gens qui écoutent quelques minutes des bribes de disques et je me demande comment ils peuvent faire de quelconques différences entre les matériels de cette façon.

Je le répète, l’oreille est mauvaise conseillère, et plus les comparaisons sont bâclées, plus l’auditeur (le pigeon ?) sera sensible aux flatteries sonores (de la chaîne et / ou du vendeur, certains sont de véritables artistes).

En fait pour vraiment comparer deux ensembles, il faut pouvoir passer de l’un à l’autre dans le moins de temps possible et à l’aveugle pour ne pas être influencé ! C’est donc le regretté dispatching qui est le meilleur moyen de test.

 

 

Équilibrage des niveaux de sortie.

 

 

Et c’est bien pour cela qu’il a disparu des auditoriums ! On vous expliquera qu’il nuisait à la qualité de la restitution. C’était vrai pour certains, il y a 30 ans…

Maintenant on sait en faire qui marchent ! ! ! (et de toutes façons ils nuisent également pour tous les appareils comparés ! !).

Pour bien tester des amplis, il faut un système à relais qui permet de passer instantanément d’un appareil à l’autre de façon aveugle. J’utilise un inverseur placé au bout d’un fil volant et sans repères, comme cela on ne sait pas ce que l’on écoute ! L’inter commande deux batteries de relais (avec différentes structures de contact en parallèle) qui permettent de passer sur les enceintes un des appareils, pendant que l’autre est branché sur une charge résistive de 200W / 8W.

Le signal d’entrée est le même pour les deux amplis testés, et il est ESSENTIEL de régler les gains de façon identique, ce qui demande un peu d’habitude et d’attention. Sinon on a le phénomène " auditorium ", à savoir que l’ampli qui a légèrement plus de gain paraît bien meilleur ! . (C’est ainsi que l’on vous vend les câbles ou l’ampli qui ont la meilleure marge dans les magasins peu scrupuleux, car hélas il y’en a !)

Avec un tel appareil bien réglé, il est vraiment possible de faire des comparaisons. Et on s’aperçoit que les différences ne sont pas si importantes que cela ! ! ! (là je ne parle que des amplificateurs…).

Pour éviter de vous comporter comme Monsieur Jessaitou, il faut que vous soyez prêt à investir dans votre écoute.

D’abord pour aborder une écoute, une comparaison de systèmes, il faut à la fois du temps, de la QUIETUDE, et de l’objectivité.

Les appareils que vous allez écouter ne sont pas parfaits, ils vont donc avoir des comportements différents selon le disque que vous allez passer, et être meilleur à bas niveau, ou à haut niveau, ou encore être un peu " mou " et privilégier les disques un peu agressifs et cætera !

Donc il vous faut du temps pour " peser le pour et le contre " et vraiment vous faire une impression d’ensemble, en laissant, à chaque disque, votre oreille s’habituer au " nouveau son ".

Il arrive que le passage d’un disque sur un nouvel appareil apporte une amélioration flagrante, mais sur des instruments réellement de haut de gamme, les différences sont plus subtiles !

Par exemple, un ampli qui aurait un mauvais facteur d’amortissement (ce qui est hélas trop fréquent sur les amplis à lampes), va vous donner tout de suite une ampleur, une rondeur, une chaleur nouvelle dans les graves. " Ah, tu vois, c’est tout de même autre chose que ta m… à transistors ! "

Ah ben non, c’est raté, car ce que vous entendez n’est pas dans le message original ! Le signal a été enjolivé par un défaut du matériel, c’est l’ampli qui LAISSE RESONNER les HP de basse ! ! !.

Pour lever le lièvre, il faut du temps pour que vous vous aperceviez que la basse, si belle, est toujours la même, quelle que soit la source ! Voir à ce sujet nombreux systèmes de cinéma et de home cinéma !).

Attention aussi aux faux amis !

Vous avez des enceintes agressives dans l’aigu : l’ampli mou sera le meilleur !

Vous avez des enceintes molles, l’ampli le plus énergique sera le bienvenu !

A avancer de défauts complémentaires en défauts qui se compensent, vous n’aurez jamais de système satisfaisant, et la frustration vous poussera à d’éternelles (et coûteuses) manipulations de votre chaîne !

Pour se sortir de ce mauvais pas, deux choses importantes sont à faire.

D’abord travailler rigoureusement :

Petite anecdote :

En me baladant, je tombe un jour sur un revendeur de hi-fi de haut de gamme (aujourd’hui disparu !). Je décide de faire le badaud et d’entrer pour " bader " le matériel.

Je tombe dans une démo de câbles de liaison.

J’ai un mal de chien à faire une différence entre deux câbles blindés de bonne qualité et je profite donc de l’occasion qui m’est offerte pour me cultiver.

La manip se déroule de la façon suivante :

A ma grande stupéfaction, la différence est énorme ! ! !. Ceux qui me connaissent savent que le résultat va à l’encontre de ma religion ! (Soyons clairs, en général j’entends que dalle !).

Alors là, je suis " vert " ! Il y a des détails en plus, une aération, une dynamique qui n’était pas dans la première écoute. L’amélioration est flagrante ! Même votre belle-mère entendrait la différence ! (C’est pour dire !).

J’en suis à choisir la méthode de flagellation que je dois m’infliger, car il y a un tel gouffre entre les deux câbles qu’un simple mea culpa ne saurait suffire, quand le client demande à réécouter le câble de base. Je suis la manip. avec intérêt et attention pour garder " mémoire " pendant les longs instants que prend le changement…

Et là tout s’éclaire !

A la remise en route, le vendeur (l’escroc ?) place le volume un peu plus bas que précédemment. C’est manifestement moins bon. On place un autre disque…et l’histoire recommence…câble cher, volume à 4 ; câble pas cher, volume à 3 ! .

Le pauvre homme est parti avec son câble à 3000 F. Escroqué bien sûr, mais qui sait, heureux peut-être, car pour lui, le câble est vraiment meilleur ! ! !.

Méfions-nous de NOUS, de nos oreilles et de nos certitudes !

Donc souvenez-vous : travailler à volume égal. Ceci est particulièrement important pour les enceintes. Une méthode simple est la suivante :

Placez deux amplis similaires sur la même source soit en utilisant des cordons en " Y " soit en utilisant les entrées et sorties " MONITOR ".

En inversant les entrées simultanément sur les deux appareils, il est possible de passer instantanément d’un ensemble à l’autre. A ce stade, faites l’équilibre du niveau sonore le plus soigneusement possible. Les différences de rendement entre les deux paires d’enceintes seront ainsi gommées et vous pourrez comparer leurs qualités musicales pures. (Prenez garde à rester sous l’écrêtage de l’ampli qui drive les caisses qui ont le plus bas rendement !). Un ami peut s’occuper du passage d’un système à l’autre, ce qui rendra votre avis encore plus indépendant…

Une autre règle est plus difficile à appliquer : la référence à la réalité !

Habitant une grande ville, j’ai la chance de pouvoir entendre de la musique " live " très fréquemment. C’est ainsi que je sais que le violon est un instrument qui est souvent plus agressif au naturel que dans les disques. Un copain qui nous avait régalés d’un solo à la maison avait atteint 104 dB au point d’écoute ! (J’avais le sonomètre à la main !).

Une des techniques que j’utilise pour me faire une idée de ce que j’entends quand j’écoute un système, c’est de me mettre à un niveau d’écoute qui me paraît correspondre à peu près à la réalité, puis, les yeux fermés, de me poser la question fatidique : si le musicien était devant moi, est-ce que j’entendrais cela ?

A contrario, au concert, toujours yeux fermés, je fais pareil en me posant la question inverse. Là, j’écoute ma chaîne, je pense quoi du son ? Ben, parfois je trouve au son vrai des défauts que –bêtement- j’attribue habituellement à mon système !

Essayez, vous verrez, c’est marrant !

J’ai la chance d’enregistrer des petites formations, je peux donc faire des essais de hi-fi avec mes propres enregistrements. (On s’aperçoit que cela aussi c’est un sport difficile !).

 

Voici énoncées les règles de base de la comparaison :

Pour ce qui est de l’évaluation d’un seul appareil, sans comparaison, seule votre mémoire auditive peut faire la différence.

Écoutez, écoutez encore. Des disques qui étaient bon deviendront mauvais et lycée de Versailles. Faut du temps ! .

Que ce soit pour un ampli ou une enceinte, il y a toujours un test à faire absolument : pendant une écoute, une augmentation de volume importante, surtout sur une masse orchestrale, ne doit pas entraîner de modification spectrale de la restitution sonore.

Le son doit simplement être plus fort ou moins fort sans que l’équilibre grave / médium / aigu soit notablement modifié. On note souvent une inflation au niveau des médiums, signe en général d’une faiblesse de l’alimentation.

Remarques diverses.

La hi-fi c’est comme les filles et les voitures, on est souvent plus attiré par l’apparence que par l’intérieur !

Nos amis japonais ont compris cela il y a fort longtemps et je vous défie de trouver le moindre défaut dans la carapace d’un de leurs appareils !

Mais à l’intérieur qu’en est-il ?

Et bien il y a de tout. Certains produits électroniques sont assemblés sur des circuits imprimés en carton bakélisé, d’autres sur du verre époxy double face…

Ne rêvez pas ! . Un instrument de qualité ne peut pas être monté comme un poste à transistors bas de gamme !

Il faut voir dans l’appareil si la construction est rigoureuse ou non. Si le constructeur n’a pas été soigneux dans sa fabrication, par quel miracle l’aurait-il été dans sa conception ? ? ?

Mais attention ne tombez pas non plus dans le piège des composants audiophiles aussi magiques que leur prix est exorbitant !

Avoir des supers condensateurs dans un ampli c’est bien, mais vous n’aurez jamais un bon ampli rien qu’avec cela ! . Il faut commencer par avoir une " super bête " avec les composants habituels (qui sont excellents, rassurez-vous !) et alors là, peut-être, on peut espérer gratter les derniers millièmes de décibels avec des condos exotiques ! !

Le schéma d’un ampli est plus important, pour avoir de bons résultats, que les composants utilisés, pourvu qu’ils soient corrects.

Avoir des bons haut-parleurs, une bonne caisse, un filtre correct donne des résultats acoustiques bien meilleurs que le câble " truc " ou le câble " chose ".

Le prix d’un instrument de haute fidélité n’est pas un critère suffisant pour pouvoir le classer en qualité. C’est certain, il y a un minimum incompressible, mais après, entre un lecteur de CD à 2.000 € ou un autre à 6.000…Faut voir !

Ce n’est pas le prix des tubes de peinture qui a fait le génie de Monsieur Dali !