Petites remarques (qui n’engagent que moi !) sur la querelle qui oppose les tenants du haut rendement et les adeptes des enceintes bas rendement…


 

Lorsqu’un musicien, quel qu’il soit, organise, arrange, met en place une interprétation musicale, il va chercher à réaliser un équilibre, son équilibre, entre les sons graves, médiums et aigus. Pour ce faire, il utilise ses oreilles et module donc les sons en fonction de ‘’sa bande passante à lui’’ au niveau réel de la musique. Ceci est vrai pour le chef d’orchestre comme pour l’ingénieur du son d’un concert, voire le D.J. d’une soirée…

Vous savez que l’oreille - à un niveau sonore donné – est plus sensible aux sons médiums qu’aux graves ou aux aigus.

Plus le niveau d’écoute monte, plus la bande passante est large, pour atteindre sa plus grande étendue vers 90 à 100 dB.

Au-delà, c’est le seuil dit ‘’de la douleur’’ qui va faire la frontière.

Après 100 dB l’oreille va commencer à se protéger et va tendre le tympan pour diminuer la sensibilité. C’est cet effet de tension qui va d’ailleurs provoquer l’impression de fatigue auditive, (dans la vie de tous les jours, les muscles incriminés ne servent pas de façon continue).

Étant plus tendu, le tympan va moins bien ’’jouer’’ les graves, ce qui provoque une remontée des courbes visibles à 500 000 millisones.

La performance musicale est en général à un niveau sonore élevé (un violon cela dépasse allègrement les 100 dB et ne parlons pas de l’orgue ou de la trompette…)

Tous les musiciens vont donc interpréter toutes les musiques à un assez fort niveau. Là, leur bande passante (comme leur plaisir,) est optimale.

C’est cet équilibre que votre enregistrement contient.

Vous, comme nous tous, vous êtes confrontés à divers impératifs.

- Vous avez des voisins.

- Vous avez une épouse, voire des enfants qui dorment ou font leurs devoirs.

- Peu de place pour la chaîne…

- Et autres frustrations, brimades, etc…

Donc, vous écoutez à un niveau sonore bien plus bas que le niveau d’enregistrement…

Vous avez donc une bande passante moins bonne que les gens qui ont créé et homogénéisé la musique. Vous manquez de graves et d’aigus !

Pour compenser cet effet très connu, votre constructeur d’enceintes préféré a baissé un peu le médium pour tenter de rétablir l’équilibre : moins de médiums = plus de graves et d’aigus. Ce serait presque parfait, mais la perte de sensibilité de l’oreille dans les extrêmes dépend du niveau, il faudrait donc – dans l’absolu – écouter toujours une paire d’enceintes à X dB au dessous du niveau naturel de la musique au niveau où elle a été conçue pour que les remontées de graves et d’aigus compensent tout juste vos pertes à vous à ce niveau… Vaste programme !

Nous avons reproduit en figure 1 des courbes graduées en intensité sonore ressentie, les millisones. (par opposition aux décibels qui sont représentatifs d’une grandeur physique, le niveau sonore mesurable).

 

Quand on passe de 1 000 à 5 000 millisones, on a l’impression que c’est 5 fois plus fort (pour une variation de puissance de plus de 20 dB, soit plus de 100 fois !).

Le seuil d’audibilité, 1 millisone, est très bas à 1 kHz, mais regardez donc à 50 Hz, il faut déjà 55 dB pour commencer à entendre !

Notre virtuose de tout à l’heure, lui, il a tout équilibré vers 100 000 millisones (environ 100 dB).

Si par le truchement de votre chaîne vous ‘’descendez’’ tout le spectre sonore vers 75 dB, vous resterez à peu près bien équilibré pour les aigus mais vous perdrez pratiquement 8 dB à 50 Hz (voyez le croisement entre la courbe 10 000 millisones et la verticale 50 Hz).

Si vous baissez encore votre impression de puissance par 2 (5 000 millisones), c’est du coup environ 15 dB que vous perdez à 50 Hz !

Jadis, (rien à voir avec mon cher Dédé Calmette !) sur les amplis on trouvait une fonction loudness qui apportait une correction dite physiologique à la bande passante. Plus le niveau était bas, plus les graves et aigus étaient relevés !

Pour en revenir à vos enceintes, si elles sont du type à faible rendement (80 à 90 dB à 1 mètre pour 1 W électrique), vous êtes pratiquement obligé d’écouter à faible niveau en raison de la tenue en puissance mais le concepteur lui aussi sera tenu de travailler bas ! Comme en général ces gens-là sont musiciens, l’équilibre initial sera à peu près reproduit pendant la mise au point des enceintes.

Tout va bien tant que vous restez à bas niveau.

Entre une enceinte qui creuse le médium et une oreille qui le relève, le résultat est satisfaisant.

Si un jour de crise, vous vous mettez à écouter Wagner ou le dernier titre de techno à fond les ballons, là vous retrouvez votre bande passante normale mais l’enceinte, elle, garde ses 5 ou 10 dB de plus dans le grave, et là rien ne va plus : boum boum !

Si au contraire, vous êtes partis sur un tout autre style de HP, dits de haut rendement, vous remarquerez que les larges bandes sont majoritaires.

(Remarque personnelle : le HP idéal couvre la bande sonore complète. S’il n’est pas assez bon, on en met deux complémentaires, si cela ne suffit pas on en place trois, puis quatre… moralité : plus les HP sont mauvais, plus il en faut).

Sur un tel haut-parleur, qui couvre une grande étendue de fréquence, il ne va pas être possible de privilégier le grave par rapport au médium !

Un système à haut rendement est en général tout bêtement l’association d’un gros aimant (eh oui, c’est plus cher !) et d’une membrane légère (eh oui, c’est plus difficile à faire sans résonances parasites !).

Cette membrane légère va ‘’monter’’ allègrement en fréquence et vous faire les médiums, voire les aigus dans la foulée ! (Supravox, Fertin !)

Avantages : - pas ou peu de filtres, donc pas de pertes inutiles, pas de rotations de phase fantaisistes, pas d’impédances exotiques pour l’ampli…

- bien meilleure réponse impulsionnelle, d’une part grâce à la faible masse mobile, d’autre part grâce à l’unicité de l’origine du son.

Inconvénients : - pas de ‘’loudness’’ incorporé. Lors d’une écoute à bas niveau, votre oreille va couper les graves et réduire tellement la bande passante que l’ensemble sera étriqué, avec juste du médium.

Un petit mot sur la dynamique : on vient de le voir, votre oreille a une étendue de perception de la puissance qui varie avec les fréquences.

Si nous reprenons notre exemple à 50 Hz, nous constatons, toujours sur la courbe de la figure 1 une plage qui s’étend de 55 dB à 122 dB, soit une dynamique de 67 dB à 50 Hz. A 1 kHz par contre, la même analyse donne une étendue de 120 dB.

Comme précisé plus haut, le musicien, ou le preneur de son, a la même oreille que vous, c’est donc dans la partie la plus vaste qu’il va exprimer la dynamique, dans le médium ! (encore lui ! ?).

Sans entrer dans les détails du calcul, vous pouvez voir sur la courbe que le fait de décaler vers le bas le niveau du médium va aussi modifier la perception des variations de niveau (n’oublions pas que les millisones sont représentatifs du niveau sonore perçu par l’homme).

Un signal qui varie de 90 à 100 dB vous donne une impression de gagner 50 000 millisones (50 000 à 100 000), le même signal décalé 10 dB en dessous ne vous donnera plus qu’une impression de gain de 30 000 millisones (20 000 à 50 000 environ). Si ces chiffres représentatifs de " sensation sonore " ne sont pas assez parlants, imaginez-les en euros ! !…

Voilà donc le secret de la dynamique des enceintes dites à haut rendement mais… êtes-vous prêt à " encaisser " le niveau sonore qui en résulte ? Certains sont agressés par les " attaques " ou tout simplement l’ampleur d’un passage fort ou un tutti d’orchestre. Ils vont trouver que : " oui, c’est bien le son de tes enceintes, mais… c’est un peu agressif dans le médium, non ? ? "  (ah, c’est sûr que dans les enceintes où il n’y a pas de médium, le problème se pose moins…).

Autre remarque personnelle : ceux qui se sont approchés des instruments de musique savent combien ils délivrent un niveau sonore important et comme ils sont souvent agressifs ! J’ai souvenir d’un concert d’orgue positif qui m’avait durement éprouvé, et pourtant j’étais bien à 7 ou 8 mètres de l’instrument ! Un soir où un ami était venu nous régaler de son violon, j’ai mesuré, dans mon fauteuil, dans mon salon, un niveau qui a atteint 104 dB…

Oui, les enceintes à haut rendement donnent parfois des sonorités agressives, mais dans ma fidélité à moi, que je voudrais haute, je tente de restituer les sons, tous les sons, les faibles et les forts, les doux et les violents, les bruits, toux et grincements de plancher. Voulant être fidèle à l’original – autant que faire se peut – je ne vois pas de quel droit je pourrais ne choisir que les sons qui me plaisent…

Je peux concevoir que l’on constitue une chaîne pour faire un joli son, mais alors que l’on ne parle pas de " haute fidélité " ! (Tiens, je vais appeler ces systèmes des enjoliveurs ! Ça vous apprendra !)

En guise de conclusion

Un système à haut niveau est en général plus linéaire, même s’il donne l’impression de placer le médium en avant.

Il aura l’avantage de ne pas modifier la courbe de réponse de la reproduction avec comme corollaire négatif l’obligation d’aller rechercher le niveau original de la musique pour que cela soit écoutable.

Autre inconvénient connu de la vie de l’audiophile, la sensibilité aux zizis, machins, petits bruits et autres distorsions qui s’entendent d’autant mieux que l’enceinte rend si bien le médium (auquel votre oreille est si sensible), médium qui véhicule avec tant de bonheur les distorsions des amplis et les écrêtages des micros placés trop près des instruments ! Désolé.

Un système à plus faible rendement sera beaucoup plus civilisé, en atténuant le médium il va vous permettre de supporter – parfois en même temps – la chanteuse (ou le piano) qui sature ce pauvre micro et l’ampli qui fait ce qu’il peut pour bouger ces petits haut-parleurs sans aimant mais avec filtre torturé ! Toutefois, c’est le seul système pour vous permettre d’écouter à très bas niveau de façon satisfaisante !

 

En résumé :

Il vous faudra l’écouter dans les mêmes conditions : pas trop fort.

Là aussi il vous faudra écouter dans les mêmes conditions, au niveau où vos oreilles sont (à peu près) linéaires. Ca tombe bien, c’est l’ordre de grandeur du niveau réel de la musique ! !